les grains de poussière n’ont pas de chance
chacun d’eux est unique
invisible à l’œil nu
mais dès qu’ils se rassemblent
on s’en débarrasse comme des malotrus
ensembles, ils se font remarquer
souvent à leurs dépens
sur la lune, en revanche
ils ne gênent personne
ils sont pourtant partout
ils en font la beauté
et la curiosité
on les regarde de loin
c'est quand on va les voir
qu'ils deviennent abrasifs
ici-bas
ils font communément
figures d’empêcheurs dont on veut se défaire
même si d’ordinaire
la gent se plait à dire
on va faire la poussière
ils nous empêchent de voir
ils font éternuer
ils sont même associés à de l’impureté
ils bouchent les voies nasales
écorchent les poumons
ils embrouillent la pensée
se déposent à l’aveugle
délétères et lugubres
cette même poussière
à laquelle on retourne
après notre passage
un retour éternel, à ce qu’il y paraît
mais pour peu qu’on l’écoute
la poussière résonne
par-delà le pur, au-delà de l’impur
elle se donne à nos yeux
elle se sacrifie
pour qu’on laisse des traces
en creux au préalable, le plus souvent en plein
c’est la marche du temps
le pas des signatures
un monde sans poussière est un lieu sans mémoire
un voile de poussière enfante notre éveil
peu reconnaissants
on se nettoie les pieds
on se saurait salir un monde aseptisé